Au crépuscule des mots...

Au crépuscule des mots...

dimanche 30 novembre 2014

Yourcenar, vraiment immortelle...

Marguerite Yourcenar



Ce mois-ci, Le Magazine Littéraire prête sa couverture de décembre à l'une des figures les plus emblématiques de la littérature du XXe siècle, Marguerite Yourcenar. Cette écrivaine attachante a exploré durant toute sa vie les possibilités d'entremêler les genres, s'affranchissant ainsi de toute tentative d'enfermement, forte de son inextinguible soif de liberté. C'est par son magnifique et troublant portrait de l'empereur Hadrien qu'elle va révéler tout son art et être reconnue comme une femme de lettres incontestable. Mémoires d'Hadrien reste aujourd'hui son roman le plus célèbre, le plus commenté, le plus aimé. Comment ne pas se confondre d'admiration et de tendresse pour ce portrait plein d'humanisme, de sagesse, de sentiments profonds et déchirants? Toutes les douleurs d'un homme, ses choix, ses faiblesses morales... Yourcenar marque les esprits, non seulement par la force de son écriture, mais aussi par la justesse de ses émotions.

J'aimerais également mentionner le magnifique Alexis ou le Traité du Vain Combat dans lequel un homme écrit une longue lettre à sa femme afin de lui révéler son homosexualité, et lui expliquer sa véritable nature contre laquelle il ne peut pas lutter car elle est justement naturelle. Ce vain combat que raconte Yourcenar, dans une langue troublante de vérité, très sensible, éclaire encore une fois son intelligence et sa quête de comprendre le monde, sans oublier son avant-gardisme et son ouverture d'esprit.


À découvrir, ou à relire, Marguerite Yourcenar mérite assurément une belle place dans votre bibliothèque!

vendredi 28 novembre 2014

Un été avec Camus...

Noces suivi de L'été d'Albert Camus.



« Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l'odeur des absinthes [...] »

Dès les premiers mots, Camus donne le ton général de ces deux essais, rassemblés ici en un seul volume, et qui concentrent plusieurs textes courts écrits à différents moments de sa vie, notamment lors de la seconde guerre mondiale. C'est un hymne à la nature, à l'éblouissement naïf et originel, que l'auteur choisit d'illustrer au détour d'une promenade estivale dans les ruines de la Tipasa antique. Bordé d'asphodèles et de géraniums sanguinolents, le forum de la vieille ville éveille un profond sentiment de liberté, doublé d'une profonde mélancolie, celle des temps les plus reculés, qui prend sa source dans la contemplation des beautés du monde.

Loin du fourmillement des grandes métropoles européennes, Camus nous transporte dans un paysage pierreux, où le soleil règne en maître absolu sur ses habitants accablés par un ennui ancestral, le Minotaure de ce labyrinthe de poussière. Ce voyage méditerranéen promet un éblouissement unique, porté par une écriture hautement sensuelle, à la limite de l'ensorcellement. Un retour aux sources du bonheur premier, de ce bonheur depuis longtemps oublié par les horreurs des guerres, par les transgressions permanentes de l'humanité.

« Je doute parfois qu'il soit permis de sauver l'homme d'aujourd'hui. Mais il est encore possible de sauver les enfants de cet homme dans leur corps et leur esprit. Il est possible de leur offrir en même temps les chances du bonheur et celles de la beauté. » (Prométhée aux Enfers)

C'est dans la beauté et la contemplation originelle que Camus entend bien retrouver une certaine paix intérieure, un accord entre l'homme et la nature, ou plutôt une désintégration de l'être dans la nature, dans une dernière étreinte, dans une dernière communion.


« Au milieu de l'hiver, j'apprenais enfin qu'il y avait en moi un été invincible. » (Retour à Tipasa)

(Vue de Tipasa)