Au crépuscule des mots...

Au crépuscule des mots...

lundi 20 juillet 2015

Portrait d'un original attachant...

Le roi des rêves d'Isaure de Saint Pierre.




«Il faisait très chaud, ce lundi 25 août 1845. Le foehn, ce vent du sud, soufflait en rafales et desséchait les feuilles du parc de Nymphembourg.»

Une première phrase, teintée d'images romantiques, qui ouvre la biographie d'un homme non moins mystérieux, Louis II de Bavière. Je me souviens de la passionnante biographie de Jean de Cars qui m'avait donné le sentiment étrange d'un attachement immédiat à ce monarque fantasque, épris d'art et de beauté, incompris et adoré tout à la fois. Grand, le corps élancé, une chevelure noire désordonnée, le regard profondément mélancolique et lointain, ce portrait si troublant d'un rêveur solitaire, la moue doucement triste... Louis II de Bavière est un homme à part. Un original.

Isaure de Saint Pierre réussit à redonner vie à cette figure historique complexe, tout en la purgeant des rumeurs folles qui émaillaient l'existence du monarque bavarois. Elle nous donne à voir la constance d'un homme dans sa bonté, dans son originalité inoffensive (à part peut-être pour les caisses du royaume, ses dépenses folles ont entraîné sa perte), ses rêves de grandeur artistique, profond adorateur de Wagner et protecteur immodéré de ce dernier. En effet, sans l'aide de Louis II de Bavière, Wagner n'aurait pas été le grand compositeur que nous connaissons maintenant.
On retrouve également cette lutte désespérée contre ses penchants naturels, déchirure qui ne cessera de le hanter toute sa vie. Il détestera son homosexualité et tentera de la brider, sans succès.
Souverain pacifiste, détestant la violence, il tentera par tous les moyens de préserver la paix dans son royaume et d'éviter au mieux les conflits armés. L'entrée en guerre de la Prusse contre la France, et la défaite de cette dernière en 1870, le plongera dans une peine profonde.

Son amitié indéfectible avec la princesse Sissi, son mariage raté, la construction de ses châteaux merveilleux d'inspiration wagnérienne, son adoration pour la France et Versailles... et encore beaucoup d'autres facettes de cette personnalité riche et unique à découvrir dans cette biographie passionnante que je vous recommande vivement.

dimanche 12 juillet 2015

D'une rêverie cauchemardesque à l'autre...

La Montagne morte de la vie de Michel Bernanos.


«Je venais tout juste d'atteindre mes dix-huit ans, lorsqu'un soir, après boire, la main d'un ami guida la mienne pour signer un engagement d'une année sur un galion.»

Difficile de ne pas se laisser embarquer d'emblée dans cette histoire cauchemardesque. Ce jeune homme, entraîné malgré lui sur un navire où la brutalité et la canaillerie sont quotidiennes, va vivre une aventure hors-du-commun, une mortelle lutte pour la survie. Alors que le galion sombre dans une tempête monstrueuse, il parvient à en réchapper, accompagné d'un certain Toine. Ils vont alors s'échouer sur une île mystérieuse, inhabitée, qui ne ressemble qu'à un vaste amas de montagnes rougeâtres, où l'eau semble inexistante, et la végétation, à première vue, absente. C'est alors que le périple que ces deux hommes vont endurer prend une tournure fantastique, où l'ombre de Jules Verne n'est jamais très loin. On ne sait plus exactement où se placer: entre rêve et réalité, entre cauchemar et au-delà.

«L'extraordinaire beauté du lieu, qui m'avait tout d'abord émerveillé, me faisait maintenant frissonner de dégoût. Je dis de dégoût, car la peur n'avait même plus de place en moi. Je finissais par comprendre pourquoi les âmes qui séjournent en enfer y demeurent sans révolte apparente. Le dégoût n'est-il pas le commencement de l'acceptation?»

Ce court roman vous émerveillera sans doute par ses images surnaturelles, franchement inquiétantes, tour à tour sinistres ou étrangement belles. Entre le récit d'aventure et la métaphore existentielle, ce roman, plutôt méconnu, et c'est bien dommage, devrait trouver une petite place dans votre bibliothèque!

P.S: Michel Bernanos n'est autre que le fils de Georges Bernanos, auteur de la première moitié du XXe siècle notamment connu pour son Journal d'un curé de campagne et son autre roman, Sous le soleil de Satan. Il souffrira de la notoriété de son père, mais cela ne l'empêchera pas de construire une œuvre complète et unique. Il se suicidera à l'âge de 41 ans. Son obsession de la mort et son inquiétude permanente se retrouvent au fil des pages angoissées de La Montagne morte de la vie.